Calendrier - 2020

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Guy Gervais - De Flandre nôtre Calendrier - Marque-pages 2020.

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Mon père me parlait souvent de Charles et d’Emmanuel Looten, ses employeurs aux " QUINCAILLERIES RÉUNIES " à Bergues. Dans les années 60, mes rencontres avec " Manu " avaient comme décor les fauteuils en cuir rouge du coiffeur. J’étais très impressionné. Les amitiés qu’Emmanuel Looten entretenait avec les artistes (Karel Appel, Lucio Fontana, Michel Tapié, Arthur Van Hecke… ) et ses éditeurs donnèrent naissance à de nombreux livres-objets. Aujourd’hui, mes échanges avec Philippe Looten, son neveu et filleul, m’incitent à vous faire découvrir ou redécouvrir certains de ses poèmes qui parlent de sa ville, de son Nord, de sa Flandre. À mon tour, je me suis laissé emporter par ses textes pour arpenter ces territoires. La complicité avec mon éditeur me donne ainsi l’occasion de vous faire voyager tout au long d’une année 2020 en 12 stations. guy gervais

PLAGE DU NORD PLAGE où roule la houle des sables Durs genêts, foisonnement aigu des oyats, Dunes farouches, océan de vagues pétrifiées Par-dessus lesquelles, sauvagement, le ciel Peine d’autres vagues pleines de force. Mer torte aux rouleaux d’écume renouvelés Sans cesse, et la puissante respiration des marées ; Pulsations étrangement vivantes : l’onde et le sable Et la nue. Changeance, ondoyant visage De nos plages avec leur lèvre de dunes L’immense laisse de mer que battent les flots, De leurs rangs serrés et moutonneux. Ciel mouvant, bourrelé de vents durs, Lourdes nues au charroi continué ; Et cette impalpable lumière de chez nous. Poéme - Emmanuel Looten

Misère Chemine le roux chemineau, Son chemin, au long des canaux, Souffrant, soufflant, le cœur qui sonne, Par le vent dur qui s’époumone. En la neige engluant ses pas, Neige glacée comme un trépas, Neige au rideau fou qui se dresse. L’homme fauve, et de roux vêtu, A la besace de détresse, Ahane, s’obstine et se love En ce blanc chemin qui s’ensauve A travers les saules têtus. Arbres chevelus de misère, Rouissant, et de vent ployés. Au fil s’en va le pauvre hère, Par l’ombre happé, bientôt noyé… Poéme - Emmanuel Looten

BERGUES Chemine le roux chemineau, Son chemin, au long des canaux, Souffrant, soufflant, le cœur qui sonne, Par le vent dur qui s’époumone. En la neige engluant ses pas, Neige glacée comme un trépas, Neige au rideau fou qui se dresse. L’homme fauve, et de roux vêtu, A la besace de détresse, Ahane, s’obstine et se love En ce blanc chemin qui s’ensauve A travers les saules têtus. Arbres chevelus de misère, Rouissant, et de vent ployés. Au fil s’en va le pauvre hère, Par l’ombre happé, bientôt noyé… Poéme - Emmanuel Looten

CE PARC DU PRINTEMPS à Marguerite Charles Looten Le jardin était un Rêve éveillé !... Il y frémissait toute l’enfance des nôtres, au cœur frémi de tant de souvenirs… Au printemps prime, ç’avait été la douce et forte explosion de la Nature revenante ! Soudain, cela bourgeonnait et saillait de partout. Telle une puberté, le rose des cerisiers colorait ces arbres purs et frais : un frêne épandait sa feuillure près l’Arbre de Judée, triomphal et rare… Au cerne des anciennes murailles, la maison ressuscitée (‘t herlevende huis) ; le vieux musée délabré par tant d’années et d’épreuves. Au cœur, tout enserré d’arbres et de murs, un vrai paradis d’oiseaux ! L’éternel cycle de la Terre, ce renouveau sans fin recommencé ! S’infuse en ces chants admirables, mille trilles éperdues, toute la Vie frémissante et neuve ! Jusqu’à ce crépuscule rougeoyant, du printemps, où bleuit une ombre venante… La cohorte crépitante des chauves-souris s’échappant des arbres-refuges. Et il semble ainsi s’en exclamer mille sombres feuilles, toutes palpitées. Dessus cela, la voûte profonde d’un admirable ciel de Flandres ! Poéme - Emmanuel Looten

LYS Tendre brumeur tendu de lin Et ce tain de l’eau englacée Miroitant l’imposture, au glacis de feuillages Qui cisèle cette onde aux lentes patiences… O Lys, rivière sacrale de Flandre Tes vertus de brasser, teiller ou décatir, Excellence d’une eau venue du Boulonnais, Qui en méandres plats se conjoint à l’Escaut… Ainsi naquit la fleur royale : lis bloem, Triomphal iris tricuspide, Ter unum perfectum, O trinitaire ! Nos rois signés de fleurs, au signe de Loys ! Poéme - Emmanuel Looten

TOURS Braqués vers l’immense espoir de Là-Haut, Lourds de ténèbres, de pierres noircies Tous deux en leur roide détresse Sont comme reuzes du temps jadis Vestiges droits d’altier passé O beffroi mien, ô tour de mon église. Jumelant leurs fières blessures Les abcès froids des mutilations, Est-ce en de communes prières Qu’ils veillent sur les cratères béants Les ruines dérasées, blancs suaires de pierre. Plus haut, sur le Groenberg, aussi La lune écrase l’ombre d’autres géants Tours d’abbaye meurtries de tant d’ingratitudes Fine et svelte, l’une, l’autre carrée massivement. Farouches seigneurs d’antan, refusant la souffrance, Ainsi s’érige leur orgueil quadruple, Orgues d’angoisse vers un ciel de liberté. Poéme - Emmanuel Looten

MON CIEL Ce ciel, oh tout mon ciel… Une tendre Flandre en moi se réfugie En un gris moiré, gît cette splendeur Au bourrèlement énorme des nuées. Exténuée, s’endort, à lumières de miel, La terre nue aux inconnues de cendre. Agile, un or vibra en grisailles d’argile ; L’épi s’allonge roux au creux de l’ombre. Eté, mon bel été, vacances plantureuses, Un rayon mordorant, tendre, s’est prolongé, Ténue féminité d’un ciel qui se fiance A ce puissant émoi de ma terre de Flandre. Poéme - Emmanuel Looten

CÉRÈS Jusqu’à l’aine, en prochaine récolte, Ahane un moissonneur hors des éteules mornes ; Une énorme sueur d’or coule Des reins du soleil en ce poil de la terre. Le blé s’élonge à houle renouvelée, Le blé vermeil en cette saoule extase D’un astre blond, mystère émerveillé A ces fécondités du Ciel et de la Terre. S’abat la faux crissante en l’ondoyante plaine, Le chaume est poudre d’or au soleil confondu, L’arôme a morfondu son haleine battante, Elytres d’un ciel clair sur la terre éclatante. Poéme - Emmanuel Looten

D’ARBRE ET DE MER Arbres (en eux droit rejoints, Et s’involuant en nous-mêmes), Altitude élancée au silence d’orgueil Et la force inconnue d’un vertical vertige. Chemin d’une sève créante De plein ciel au sigle bleu vert Qui par la forêt engravera ma paume ; Douleur d’une paix du sol. Toi, Mer, à ton anormité horizontale, Emerveillante Mer, mère des Continents ! Horizon-Toi, un au-delà qui tourne, Ecrasé de soleil, à courbure d’espace. Mer que l’on n’atteint point et qui nous crée sans fin. Signes de foi, cet Arbre et cette Mer qui saigne Au bleu laitu d’un oeil, accouru engourdi. Descente-Assomption de l’arbre, fruit des songes, Et ces nefs de bois courbe qui épèlent nos rives. Poéme - Emmanuel Looten

AU ROUGE CœUR DU PORT… Hommage à Usinor Le Temps… ce sang puissant en notre labeur d’homme, Ce temps, pulsant, passant, au rouge coeur de l’oeuvre ; Songe devenu sang qui respire, étant Corps ! OEuvre de grandeur sauvage, et de vertige… Ce vent forcené qui est sang des espaces, A travers la forcière respiration des saisons, La folie échevelante des vents du Nord… Sang fort, sang, port, neuf sang de la Cité ! Sur ce sable, une volonté mécaniste Sut bâtir en force, O ingénieurs têtus !, Qui semblez triompher de ces lois de Nature… Histoire d’Aventure et Victoire d’audace ! Honneur à ceux qui furent ces Ouvriers de l’OEuvre Où de rien sut jaillir, cathédrale étrange, Cet effort collectif, puissamment réussi, A la haute Gloire du pays Fabuleux !... Poéme - Emmanuel Looten

BEFFROIS DE FLANDRE ! Ardente résurgence en nos plats horizons, Fol orgueil des Kerles seigneuriaux ! Symbole de Feu : l’élan d’un Beffroi libre ! Nos Tours ! Faroucherie brûlante de nos profonds instincts Ces poings de colère à révolte de ciel ! Sueur-sang géante, happée d’Infini ; Ah ces Tours ! Cieux grissoyés, affouillement des brumes, Notre côte d’AMBRE, éparpouillée de céladons, Fiers fantômes, gicle hirsute des vents… Puissantes Tours-Symboles ! Rafales des guerres, invasions venimeuses ! Lourds bangs des cloches, gauchement chavirant les nuées ! Tout un ciel de Colère et de Vie ! Ah Tours de Liberté ! Poéme - Emmanuel Looten

CHANSON DES MOULINS Dansez fiancés, tendres fiancés, Lents élancements berçant le décevant, Heureuse musique, soucis dépassés Au tournis des moulins à vent… Canne de buis, corne de bois, crâne de roi, Avancez, un deux trois, valsez ! Amours gentiment enlacées, Détournez vos rêves, deux trois, un deux trois… Il est temps, jeunesse lassée Que revienne ce calme d’auparavant, Cessez d’y penser, cessez de danser… Se meurt la chanson au rythme cassé : La chanson des moulins à vent… Poéme - Emmanuel Looten8

EMMANUEL LOOTEN Je suis, hélas, devenu aujourd’hui le seul qui puisse encore parler d’Emmanuel LOOTEN en l’ayant connu. Mieux que cela, je l’ai particulièrement bien connu parce qu’il était mon Parrain et il s’est comporté avec moi comme si j’étais son fils. Il m’a appris à le lire. Le comprendre. Avant la guerre, dans " CLOCHE RÊVE " (1939) ses poésies sont rédigées dans un français classique. Elles sont bien jolies et, aussi, faciles. Plus tard, vers 1970, " HEPTA " et " CHAMP LEVÉ " sont totalement différents. Cette poésie-là est écrite en " LOOTEN " (c’est lui qui disait cela), une langue plus ésotérique qui lui était propre. C’est un peu comme PICASSO dont les débuts (la période bleue par exemple) étaient traditionnels et qui ne s’est livré au " cubisme " que plus tard. L’écriture d’Emmanuel, plus tard, est devenue une recherche de musique des mots, de leurs couleurs, des états d’âme. Il ne faut pas la lire, il faut la déclamer. C’est ce que je fais lorsque je veux faire apprécier son œuvre à quelqu’un qui ne la connaît pas. Mais alors, je n’y arrive pas toujours car… ma voix se met à trembler devant tant de beauté. Emmanuel sera un poète du XXIe siècle. Philippe LOOTEN – avril 2019

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